LES STADES DE L’OGC NICE
Saint-Augustin
En 1926, il n’existait que deux terrains de sports municipaux Nice : celui de la Californie, en piteux état, et celui de l’Ariane, incroyablement excentré. Aussi, l’annonce de la construction du terrain de Saint-Augustin fut accueilli avec un immense soulagement par tous les sportifs niçois. Du coup, la municipalité tenta de contenter tout le monde en édifiant, au sein de ce même espace, un terrain de football, un terrain de basket, un court de tennis et un boulodrome. Les coureurs à pied tentèrent même d’y ajouter une piste d’athlétisme ! En vain… La ville acheta donc les terrains des familles Auda et Guillon pour 100 francs du mètre carré et fit s’élever le stade de Saint-Augustin, qui deviendra bien plus tard le stade Alfred Méarelli, du nom d’un ancien président du Racing Rugby Club de Nice (RRC Nice).
Évidemment, et tous les niçois le savent bien, évoquer le stade Méarelli sans rappeler son immense passé rugbystique serait une sacrée faute de goût. Si le nom du RRC Nice reste inévitablement lié au rugby, il convient de signaler qu’il existe un lien entre ce club et le football. En effet, le RRC Nice est né en 1912 de la fusion de deux clubs niçois : le Rugby Club et le Racing Club de Nice. Avant cette fusion, le Racing Club de Nice était aussi un club… de football ! Il abandonna cependant cette activité au moment de cette fusion.
Jusqu’au début des années 70, le RRC Nice végète dans les méandres de la deuxième division du rugby français. Son président, Alfred Méarelli, a pourtant d’autres projets qu’il ne tardera pas à concrétiser…
Suite à une scission du club de rugby de Toulon, il flaire la bonne affaire et, mandaté par le Maire, Jacques Médecin, parvient à faire entrer dans l’escarcelle niçoise pas moins de dix joueurs toulonnais, tous finalistes du championnat de première division en 1971. Fort de cet effectif de feu, il ne faudra qu’une petite saison pour que le club rejoigne l’élite. Il connaîtra ensuite une extraordinaire croissance qui le fera grimper jusqu’au sommet du rugby hexagonal. Qualifiés pour les quarts de finale du championnat en 1980, les huitièmes de finale en 1981 et les seizièmes de finale en 1982, le club niçois s’habitue au haut niveau. Et lorsque, le dimanche, les adversaires viennent à Méarelli, ils s’attendent à passer un mauvais moment…
En 1983, emmené par son emblématique capitaine, Éric Buchet, le RRC Nice est irrésistible. Il termine deuxième de sa poule puis élimine l’US Bressane, Pau et enfin Agen pour se retrouver en finale du championnat de France au Parc des Princes face à Béziers !
Cette finale perdue sera compensée par la victoire, en 1985, en finale du challenge Yves Du Manoir. Après avoir battu Toulouse en demi-finale, les niçois battront l’AS Montferrand en finale (21-16) à Toulouse. Ce sera malheureusement le seul trophée remporté par cette génération dorée…
Peu à peu, en proie à des difficultés financières, le RRC Nice rentrera dans le rang. À la fin des années 90, le club connaitra de multiples relégations sportives et administratives avant de vivre sa première liquidation judiciaire en 1999. Il repartira malgré tout sous une nouvelle forme et un nouveau nom mais traînera toujours avec lui ses ennuis financiers… À tel point qu’en 2012, le club vivra une nouvelle liquidation judiciaire ! Aujourd’hui, le rugby niçois est représenté par un nouveau club, le stade Niçois, et de nouvelles couleurs, plus proches de celles de son cousin footballeur (rouge, blanc et noir). Il a quitté le stade Méarelli pour rejoindre le stade des Arboras, au beau milieu de la plaine du Var.
Quittons cette bien triste histoire pour nous replonger dans le passé footballistique du stade Saint-Augustin, parce qu’il y en a bien un !
Si le terrain officiel de l’OGC Nice fut le stade de la Californie dans un premier temps, puis le stade du Ray dans un deuxième temps, le terrain Saint-Augustin rendit bien service aux footballeurs niçois lors de la saison 1947/1948, période durant laquelle le stade du Ray se refaisait une beauté…
Le stade Saint-Augustin portera chance au Gym puisque le club terminera champion de Division 2. Mais le parcours niçois cette année-là ne doit pas grand-chose à la chance… L’équipe a été renforcée à coup de millions de francs par le maire d’alors, Jacques Cotta, et elle aura le mérite, au-delà des résultats, de pratiquer un jeu qui attirera des milliers de niçois du côté du stade Saint-Augustin. Elle séduira même quelques célébrités du cinéma parmi lesquels Jean Gabin. En tournage dans les studios de la Victorine situés à proximité, il viendra régulièrement encourager les niçois. Passionné de football, il lui arrivera même de taquiner la balle au stade Saint-Augustin avec les joueurs niçois qui s’y entraînaient.
Durant l’été 1956, un sportif malien se présente pour la première fois sur le terrain de Saint-Augustin. Si le public niçois a l’habitude de voir évoluer des nord-africains, l’arrivée d’un joueur d’Afrique noire est plus rare et suscite un certain nombre d’interrogations. Ce qui frappe au premier abord, c’est la carrure de la dernière recrue niçoise. « Je suis Keita Oumar Barrou, champion de boxe catégorie poids lourds. » C’est ainsi qu’il aurait pu se présenter, sans mentir, puisqu’il a pratiqué ce sport dans son pays natal avant d’arriver en France. Même s’il a raccroché les gants depuis quelques années, « Papa » Barou aurait encore fière allure sur un ring de boxe… Sur le terrain, il avait une mission bien précise : harceler les défenses adverses de façon à mettre ses coéquipiers dans les meilleures dispositions pour marquer. Un rôle qu’il réalisait à merveille. Demandez donc aux défenseurs du Real Madrid ce qu’ils en pensent, eux qui ont dû supporter les terribles assauts du tanker malien lors d’un quart de finale de coupe d’Europe d’anthologie joué au Ray en 1960. Une mi-temps d’usure suivie d’une deuxième mi-temps où le Gym flanqua trois pions aux champions d’Europe en titre, dont un suite à une offrande de « Papa » à Vic Nurenberg. Et encore, les madrilènes s’en tirèrent à bon compte !
On l’aura compris, Papa Barrou était plus un passeur qu’un finisseur… À tel point que son entraîneur, Numa Andoire, désespérait quelque peu de voir sa perle noire marquer un but. « Papa, que faut-il que je t’offre pour te voir marquer un but ? » lui demanda-t-il un jour. « Un frigo ! » répond-t-il. Malgré la promesse, il faudra attendre quelques semaines pour voir Barrou marquer enfin un but. Et le public niçois, ayant appris la promesse, se mit à scander à tue-tête : « Le frigo ! Le frigo ! »
Papa Barrou s’est éteint le 25 juin 2015 à Nice, à l’âge de 81 ans.
En guise de conclusion sur le passé footballistique du stade Saint-Augustin, ajoutons aussi qu’il accueillit les rencontres d’un autre club professionnel niçois ! Le Football Athlétic Club (FAC) participa au championnat de France de deuxième division lors de la saison 1932/1933 et joua ses matchs à domicile à Saint-Augustin. Malheureusement, après huit petites journées, le club dut abandonner la compétition pour des problèmes d’ordre financier…
Source : livre « OGC Nice : un club dans la ville » (S. Gloumeaud).