«Nice, un des plus beaux moments de ma vie»
Par Jocelyn Rico, défenseur du Gym de 1985 à 1988.
17/04/2021. On avait quitté Jocelyn Rico en 1988, au stade du Ray. Défenseur latéral vif et offensif, il fallait le voir batailler aux côtés des Curbello, Dréossi, Marsiglia et Elsner pour préserver la cage de Dédé Amitrano! On l’a retrouvé en 2021 dans sa Bretagne natale, mais il n’a rien oublié de ses trois saisons en rouge et noir. Il en garde même un souvenir intact qu’il a accepté de partager, non sans émotion, avec les supporters niçois et le musée du Gym.
Jocelyn Rico, vous êtes arrivé à Nice en 1985 après avoir passé huit saisons à Brest. C’est en Bretagne qu’a débuté votre carrière professionnelle ?
Je suis né à Concarneau où je suis resté jusqu’à mes 17 ans. Je jouais à Concarneau mais mon père a trouvé du boulot à Brest et j’ai donc suivi la famille… J’ai signé au Stade Brestois qui évoluait en 3ème division. Mais à cette époque, je n’avais aucune ambition pour jouer au niveau professionnel. Le foot n’était pour moi qu’un amusement. En revanche, mon frère Robert avait cette ambition et y est parvenu. Il a joué au Stade Rennais avec qui il a remporté la coupe de France en 1971. Il a même été sélectionné en équipe de France. Aujourd’hui, il a 75 ans et c’est un phénomène… En fait, il a gardé un esprit jeune et jovial. Un esprit qu’on retrouve chez beaucoup d’anciens joueurs ou amoureux du foot. On voudrait tous rester jeunes, mais après, c’est le physique qui suit un peu moins…
À Nice, on vous a connu défenseur latéral. Vous avez toujours occupé ce poste ?
Non… J’ai été formé au poste d’attaquant que j’occupais dans toutes les équipes de jeunes. Un jour, il manquait un défenseur et mon entraîneur à Concarneau m’a demandé si je voulais bien jouer arrière latéral. Moi, à partir du moment où je jouais, ça m’allait ! Finalement, je me suis pris au jeu et j’avais des qualités de défenseur puisque j’étais vif et agressif. En plus, je pouvais prendre le couloir et participer aussi aux phases offensives. J’ai donc fini la saison à ce poste puis j’ai fait une saison complète en D3, puis le reste de ma carrière !
Pourquoi avoir quitté la Bretagne pour l’OGC Nice ?
J’étais en fin de contrat à Brest. J’avais plusieurs propositions, mais j’avais envie de découvrir le soleil. Je suis né à Concarneau, mais mes parents sont pieds noirs et viennent du Maroc. Pour moi, Nice était une ville magnifique avec le soleil, les gens souriants avec l’accent du sud. Je trouvais ça très exotique ! J’avais d’autres contacts avec le PSG, Auxerre et Le Havre, mais entre Brest et Le Havre, je préfère rester à Brest, sans dénigrer ce club. Ce que je voulais, c’était un changement complet et pour moi, Nice constituait ce changement complet de vie.
« J’avais envie de découvrir le soleil »
À ce moment-là, quelle image aviez-vous de l’OGC Nice ?
L’image du club des années 70 avec de grands joueurs tels que Jouve, Guillou, Katalinski, Baratelli. Cette équipe-là me plaisait, elle avait un style. Nice, ça a été un coup de cœur. J’aurais pu rester à Brest, mais ici, je faisais partie des meubles… Je voulais aussi voir ce que je valais vraiment.
À votre arrivée, quelles ont été vos premières impressions ?
Lorsque je débarque, j’ai tout simplement l’impression d’arriver dans un autre pays ! J’ai beaucoup souffert de la chaleur. Il m’a fallu deux mois pour vraiment m’adapter au climat. Au niveau de l’ambiance dans l’équipe, tout s’est bien passé dès le début. On était un groupe sympa et solidaire. En plus, Carlos Curbello avait joué avec mon frère à Nancy et m’a pris sous son aile. Je suis arrivé en même temps que Pierre Dréossi. On habitait l’un à côté de l’autre, à Vaugrenier. Bref, à mon arrivé, je n’étais pas perdu du tout et j’ai été très bien accueilli par tout le monde.
Comment s’est déroulé votre première rencontre avec le président Mario Innocentini ?
Très bien ! Je pense qu’il voulait vraiment que je vienne à Nice, tout comme le coach Jean Sérafin. J’avais à peu près le même style que Michel Joly, qui arrêtait sa carrière et que j’étais venu pour remplacer. Tout le monde au club voulait vraiment ma venue.
Lorsque vous arrivez, le club vient de passer trois saisons en division 2. L’ossature de cette saison 1985/1986 est la même que la saison passée avec Amitrano, Curbello, Blanc, Françoise, Lefebvre, Mège, Dominguez et quatre recrues : vous, Dréossi, Bernad et l’Argentin Barrera. Quel est l’objectif de ce promu : le maintien ?
Je n’ai jamais entendu parler de maintien en interne. Je pense qu’on avait une équipe ambitieuse, qui jouait bien au ballon et des jeunes qui commençaient à pousser, tels que Mège, Oltra ou Mattio. On avait aussi un super entraîneur, un vrai bosseur et amoureux du football que j’ai beaucoup apprécié. Je pense que notre objectif était de terminer dans la première partie du classement.
Le premier match de la saison vous emmène à Bordeaux, le champion en titre. Quel souvenir en gardez-vous ?
Je m’en souviens très bien ! On perd 1-0 avec un but de Specht marqué de la tête. Mais je pense qu’on avait fait un bon match. On jouait à cinq derrière et on était solides. On perd mais on a senti qu’il y avait du potentiel. Ça nous a un peu rassurés parce que lors des matchs amicaux d’avant saison, on n’avait pas été terribles… Personnellement, je ne me sentais pas bien mais ce match nous a tous libéré, d’autant plus qu’on n’avait rien à perdre. On était le promu face au champion…
Le 9 août 1985, le Gym se déplace à Brest. C’est un retour aux sources pour vous…
Oui, ça m’a fait bizarre de revenir à Brest avec d’autres couleurs. D’habitude, je ne suis pas stressé avant les matchs mais ce jour-là, j’étais stressé. C’était la première fois que je revenais à Brest, mais j’ai eu un bon accueil et en plus, ça s’est bien passé parce que je crois qu’on fait match nul (1-1). C’était très spécial pour moi. Ça faisait chaud au cœur mais j’avais surtout envie de montrer que j’avais fait un bon choix. Quand tu arrives, des émotions te reviennent, des bouts de match, des bouts de terrain qui te reviennent à l’esprit… C’était un sentiment très spécial.
« On avait la gnaque, on ne lâchait rien sur le terrain ! »
Un mois après a lieu le derby à Monaco. Le Gym revient de 3 ans en division 2 alors que Monaco joue le titre chaque saison. C’est un peu David contre Goliath…
Oui… et on gagne 1-0 et c’est Gilbert Marguerite qui marque. Je m’en rappelle bien, hein ! Et je me rappelle aussi que le stade Louis II était rouge et noir ! On a souffert, il faut reconnaître, mais on s’est accroché. C’était d’ailleurs notre état d’esprit : on avait la gnaque, on ne lâchait rien sur le terrain !
Vous concernant, cette saison 1985/1986 est pleine avec 37 matchs joués. Vous avez même marqué un but. Vous en souvenez-vous ?
Je pensais en avoir marqué plus que ça… Mais je ne m’en souviens plus.
C’était en 32ème de finale de coupe de France face à Mont de Marsan. Le Gym l’avait remporté 4-2 et vous avez été buteur…
Ah ben ça, je ne m’en souviens pas du tout !
Le Gym termine finalement à la huitième place, soit son meilleur classement depuis 1977. Pourtant, le style de jeu est jugé trop défensif et peu attrayant, en témoigne la baisse de fréquentation du stade du Ray (moyenne de 11.000 spectateurs durant la première moitié de la saison et de 8.000 pour la deuxième moitié). Considériez-vous que votre jeu était défensif ?
Pas vraiment… en tout cas, je n’ai jamais reçu de consignes de ne pas monter. Au contraire, Jean Sérafin avait réalisé des statistiques qui montraient que nos buts arrivaient surtout du côté opposé au mien. Il m’avait alors encouragé à monter davantage… Peut-être étions-nous fatigués en fin de saison car nous avions dépensé beaucoup d’énergie en début de saison. En tout cas, sur le terrain, on essayait toujours d’aller de l’avant.
En vue de la saison suivante (1986/1987), le club recrute Wilmar Cabrera, Phillipe N’Dioro, Thierry Oleksiak, Jean-François Larios et Joël Henry, que vous connaissez bien puisqu’il est aussi passé par Brest…
Oui, « Jojo », c’était un copain de Brest et je suis content de le voir arriver, d’autant plus que c’est un des meilleurs techniciens avec lequel j’ai pu évoluer. À Brest, il jouait au milieu avec Bernardet et Pardo. Je peux vous dire que lorsqu’ils prenaient le ballon, les adversaires ne le revoyait pas ! On fait un bon recrutement qui permet d’apporter un peu plus de technique au milieu de terrain avec aussi Larios, qui était un Monsieur du football français.
Le 28 février 1987, vous vous déplacez à Paris pour rencontrer le PSG, champion en titre…
Oh put… oui ! Je ne suis pas près de l’oublier celui-là ! On fait un gros match. On est dominés mais en contre, ça va vite et on leur met la misère ! Marc Pascal et Pepito Morales marquent… et moi !
Vous nous racontez votre but ?
Ça part de loin, de nos 18 mètres même, et ça va vite ! Il y a un relais avec Jean François Larios qui me remet la balle. J’évite un tacle de Jeannol et je me présente seul devant Joël Bats. Je fais un crochet un peu large, mais j’arrive à redresser le ballon et je marque dans un angle impossible… Ce but-là, je l’avais en cassette vidéo et je l’ai perdu… Quel magnifique souvenir !
La fin de la saison est plus compliquée. Vous êtes tranquilles au niveau du classement, mais vous subissez cinq défaites d’affilées, dont la dernière au Ray face à Brest et un sévère 0-4. À la fin du match, Jean Sérafin annonce son départ en fin de saison alors qu’il reste encore sept matchs à jouer… Comment avez-vous vécu cette période ?
À vrai dire, je ne me souviens pas de l’annonce de Jean Sérafin, mais on n’a été en aucun cas démobilisés. On a joué tous nos matchs à fond parce que c’était notre état d’esprit. Sur le terrain, on était solidaires et on se battait comme des chiens. Souvent après les matchs, on mangeait ensemble… C’était des bons moments lorsque j’y repense… Il y avait un esprit de famille comme j’avais connu à Brest, ce qui fait que ma période niçoise reste l’un des plus beaux moments de ma vie.
La saison suivante (1987/1988), Jean Sérafin s’en va et Nenad Bjekovic arrive en tant qu’entraîneur du Gym. Le connaissiez-vous avant son arrivée ?
En tant que joueur bien sûr. Pour moi, c’était un super attaquant qui avait joué pour le club dans les années 70. En tant qu’entraîneur, il prônait un jeu offensif.
Au niveau des consignes, quelles étaient les différences entre lui et Jean Sérafin ?
À vrai dire, je n’ai pas vu un grand changement au niveau des consignes… Tous les deux étaient des amoureux du football et ils voulaient absolument qu’on joue vers l’avant. Ils attendaient aussi de nous qu’on mouille le maillot, qu’on se donne à fond sur le terrain parce qu’on avait un public qui était chaud et qui aimait ça. Il fallait montrer aux supporters qu’on était là pour le club et qu’on allait leur donner ce qu’ils attendaient de nous : la gnaque et le jeu. Cette envie, on l’avait à chaque match. On se le devait et on le devait au public. Je ne sais pas si tous les joueurs d’aujourd’hui ont ça dans la tête…
Dans les relations entre les joueurs et les supporters, avez-vous constaté une différence entre Nice et Brest ?
Pas vraiment, en fait. À Nice, à la fin des matchs, on buvait presque un coup avec eux… On sortait du vestiaire et on allait derrière la tribune centrale où on discutait avec eux. Ils étaient contents de vivre ces moments avec nous et nous aussi ! On avait un contact direct avec eux et je trouvais ça magnifique. À l’entraînement, c’était pareil. On parlait de tout, même pas forcément du foot quelquefois. À Brest, c’était pareil. Mais c’était surtout une autre époque…
« Jules, c’était un extra-terrestre »
La saison 1987/1988 est compliquée. Il y a de nombreux blessés et le Gym joue quasiment le maintien. En novembre 1987, le Président Innocentini recrute alors Jules Bocandé. Vous vous souvenez de son arrivée ?
Jules, c’était un extra-terrestre quand il débarquait. C’était aussi un mec adorable et une force de la nature.
Qu’a-t-il apporté à l’équipe ?
Déjà, sa bonne humeur communicative. Jules, lorsqu’il arrivait à l’entraînement, il avait toujours le sourire. Toujours ! Il était toujours positif et nous entraînait dans son sillage. Devant, c’était un monstre, il ne lâchait jamais rien. Ah, si nous avions pu avoir Jules et Jorge Dominguez à la pointe de notre attaque, ça aurait été le top ! Ce sont les 2 meilleurs attaquants avec lesquels j’ai joué. Ils ne lâchaient rien !
Durant cette saison, le Gym l’emporte à nouveau au Parc des Princes, cette fois-là 4-0 ! Mais vous n’aviez pas joué ce match…
Oui, parce que j’étais en fin de contrat et je devais signer au PSG. Le coach Bjeko m’avait dit : « Je préfère que tu restes à la maison parce que selon ce qui ce passe, certaines choses pourraient être mal interprétées… » Je l’ai accepté…
Si le championnat est décevant, le Gym brille en coupe de France, avec les éliminations d’Ajaccio, Monaco, Toulouse et Lille pour arriver en demi-finale face à Sochaux en match aller/retour. La rencontre aller a lieu au Ray le 31 mai 1988. Quel souvenir en gardez-vous ?
C’est simple, encore aujourd’hui, lorsque je repense à ce match, j’en ai des frissons ! On a vécu une ambiance à tout casser ! Il y avait le feu au stade du Ray ! Vous voyez, j’en parle et j’ai des frisson… Je vous jure que c’est vrai ! Ce match, on l’avait bien maîtrisé. On peut même mener 3-0 et à l’arrivée, on prend un but con en fin de match qui remet tout en question. Mais c’est vrai qu’on était un peu fatigués. Les matchs importants s’enchaînaient. En championnat, parce qu’il fallait se sauver et en coupe, avec des matchs aller/retour. On avait lâché un peu de gomme en cours de route…
Après la victoire 2-1 au Ray, vous vous inclinez 2-0 à Sochaux…
Malheureusement, au match retour, même si on a une ou deux occasions, on a été mangés et Sochaux était sur une dynamique terrible… Nous, on avait espéré aller en finale et on avait été très déçus, même abattus après le match. C’était dur… Douloureux. On aurait tant voulu jouer cette finale, d’autant plus qu’on avait l’équipe pour aller au bout…
Le 4 juin 1988, vous jouez votre dernier match au Ray sous les couleurs niçoises. Quel souvenir vous reste-t-il de ce stade ?
(Soupir) C’était comme mon jardin et je m’y sentais si bien… En plus, j’ai toujours été bien accueilli pas les supporters niçois. Il y avait une ambiance particulière comme on en trouve très peu ailleurs… Même lorsque le stade n’était pas plein, tu ressentais de la chaleur, de l’engouement. On était portés par le public et il n’y a pas beaucoup de stade où j’ai ressenti une telle ambiance. Je n’étais pas Niçois mais je me sentais comme chez moi. En plus, à la fin de ce dernier match, le Club des Supporters m’avait offert un trophée, à mon nom, pour me remercier de mon passage à Nice. Ça m’avait beaucoup touché et c’est d’ailleurs l’un des rares trophées que j’ai gardés et que je conserverai toute ma vie. Parce que c’était une belle image du club et de ses supporters. J’ai trouvé ça formidable et ce n’est pas une chose que tu vois souvent. Ça m’a fait chaud au cœur.
Votre vie après Nice ?
J’ai signé 2 ans au PSG, mais je ne reste qu’une saison parce que je ne joue qu’une fois tous les trois ou quatre matchs… Je me dis que je ne sers à rien. Je demande à partir et la saison suivante, je vais à Cannes où ça ne se passe pas mieux. Finalement, je reviens en Bretagne car mon ex-co-équipier de Brest, Raymond Kérusoré, entraîne le stade rennais et me demande de venir. J’y retourne volontiers pour boucler la boucle… J’y reste 3 ans. On avait une bonne ambiance dans le groupe. Bon, le public était un peu spécial à Rennes car ils venaient plus en spectateurs qu’en supporters, mais ça s’est bien passé.
En quelle année avez-vous arrêté votre carrière professionnelle ?
En 1993. J’habitais à Rennes et je continuais à jouer en D4 à Concarneau. La Bretagne c’est pas mal, c’est un beau pays ici aussi ! Après, j’ai signé dans un petit club qui me proposait de travailler pour la commune et de m’occuper des gamins. Maintenant, je suis dans la nature et je m’occupe des espaces verts… J’ai continué à jouer jusqu’à 42 ans. J’évoluais à Saint Grégoire. On est partis de PH et on est montés jusqu’en DH. Le monde amateur, c’est sympa aussi !
Avez-vous encore des contacts avec le Gym ?
Oui, notamment avec Jean-Philippe Mattio et Fred Gioria. Il y a 3 ans, ils m’avaient invité pour assister à Nice – Reims à l’Allianz Riviera. Ce stade est magnifique, mais il faut arriver à le remplir, hein ! J’avais visité aussi le centre d’entraînement. Ça change de notre époque… Nous, on avait un terrain, pas cinquante ! Maintenant, ils n’ont qu’à penser à jouer au foot ! Ils ont vraiment tout ce qu’il faut pour faire du bon boulot.
Vous reverra-t-on bientôt à Nice ?
J’y compte bien ! En septembre, je serai à la retraite et j’aurai donc tout le temps de venir rendre visite à mes amis. Vous savez, je suis Breton mais Nice est mon deuxième club de cœur, avec Brest. Mes meilleurs souvenirs, je les ai connus dans ces deux clubs. En tout cas, ça fait plaisir de voir que les supporters ne m’oublient pas, mais il faut qu’ils sachent que moi non plus, je ne les oublie pas !
Propos recueillis par Serge Gloumeaud.
Écoutez ci-dessous des extraits de l’interview :
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