“La montée avec Nice, un moment extraordinaire!”

Par Michel Joly, capitaine du Gym de 1982 à 1985.

Michel Joly ogc Nice
Le capitaine Michel Joly entouré d’Hervé Blanc (à droite) et d’Éric Castagnino (à gauche).

24/02/2021. Au nord, il y avait les corons, mais il y avait aussi Michel Joly… En 1982, il décide de rejoindre le sud, dans le sillage du nouvel entraîneur, Jean Sérafin. Sa mission : faire rapidement remonter le Gym en division 1. Nommé d’emblée capitaine, il s’y reprendra à plusieurs reprises, mais sa hargne et son courage seront finalement récompensés, au plus grand bonheur des supporters niçois!

Michel Joly, nous sommes en 1982, vous avez 33 ans et vous jouez en 1ère division à Lens avec comme entraîneur, Jean Sérafin. Lors de l’été 1982, vous partez pour Nice, un club qui vient d’être rétrogradé en 2ème division. Quand ont eu lieu les premiers contacts avec Nice ?

En fait, j’étais en désaccord avec le RC Lens car en tant que capitaine, j’avais pris position pour Jean Sérafin que Lens ne voulait pas le garder alors qu’il avait fait monter le club en D1 la saison précédente et qu’on faisait une bonne saison… Il me restait un an de contrat, j’avais bien deux ou trois touches avec des clubs, mais je n’avais pas trop envie de partir. Puis Jean Sérafin m’a appelé et m’a fait une proposition pour venir avec lui à Nice. D’abord en tant que joueur pendant 2 ans, puis pour intégrer le staff technique dans les années à venir.

Quelle image aviez-vous du club à ce moment-là ?

L’image d’un bon club qui avait connu une grosse période dans les années 70. Mais moi, je regardais plutôt les clubs du nord… Je venais de Nancy, j’ai joué à Valenciennes, à Lens. En fait, pour moi, Nice était plutôt une ville synonyme de vacances…

Le club venait de descendre en D2. Quelle a été votre première impression lorsque vous êtes arrivé ?

Une bonne impression. Jean Sérafin était déjà bien en place et tout avait été préparer pour une remontée immédiate en D1. On avait de bonnes conditions d’entraînement et un effectif avec des joueurs de qualité : Curbello, Bruzzichessi, Amitrano, un très bon gardien qui est parti ensuite à Monaco, Larsson, Marguerite… On avait vraiment une équipe pour jouer la montée.

Y-a-t-il des choses qui vous ont surprises ?

Au début, j’ai surtout souffert de la chaleur. On s’entraînait le matin tôt et le soir, mais c’était vraiment difficile pour moi.

Le président était alors Mario Innocentini. Quel souvenir gardez-vous de lui ?

Un très bon souvenir ! C’est un des meilleurs présidents que j’ai connus. Il était très gentil et très proche des joueurs. Un jour, mon fils a eu une crise d’appendicite alors que j’étais en déplacement, il s’est occupé de lui avec son épouse pour que tout se passe bien. C’était vraiment quelqu’un de bien et de très sympa.

Dès votre arrivée, vous avez été capitaine. Ça représentait quoi pour vous ?

En fait, partout où je suis passé, j’ai été capitaine : à Valenciennes, à Avignon, à Lens… Et à Nice, Jean Sérafin m’a désigné comme capitaine. J’étais un meneur et aussi très régulier sur le terrain. Je pense que c’est pour cette raison que les entraîneurs me nommaient capitaine.

Michel Joly ogc NiceLa saison démarre bien puisqu’au quart du championnat, vous êtes en tête avec 3 points d’avance sur Toulon. Vous vous souvenez de l’état d’esprit dans lequel vous étiez à ce moment-là ?

Je me souviens surtout d’un match qu’on joue à Toulon. À ce moment-là, ce sont eux qui ont une avance sur nous au classement. On était menés 1-0 et il restait quelques minutes à jouer. Je monte et je m’en vais complétement sur le côté gauche. Le ballon me revient et j’égalise d’une reprise de volée du pied gauche en pleine lucarne. Roland Courbis, l’entraîneur de Toulon, m’avait charrié en disant que d’habitude, mon pied gauche ne me servait qu’à monter dans le bus. Mais du coup, c’est un match qui m’a marqué… Au final, c’est Toulon qui est monté mais ça s’est pas joué à grand-chose…

Vous vous souvenez de la composition de la défense type du Gym cette saison-là ? Oui ! Il y avait Curbello et Bruzzichessi dans l’axe, moi à droite et Barraja à gauche.

Quel souvenir vous gardez de Patrick Bruzzichessi ?

Oh ! Bruzzichessi, c’était mon pote ! Je faisais toujours chambre avec lui lors des déplacements. À chaque fois que j’allais voir mes beaux-parents qui habitaient Carqueiranne, je m’arrêtais toujours à Gonfaron pour boire un café avec lui et Courbis. Bruzzichessi, je l’ai souvent revu par la suite parce que j’allais en vacances au Lavandou et à cette époque, il tenait une brasserie. Je sais qu’après, il a été entraîneur à Hyères. J’étais allé les voir jouer d’ailleurs et on avait manger ensemble le soir.

Quel style de défenseur latéral étiez-vous ?

J’étais agressif, j’allais vite, j’étais endurant avec un bon jeu de tête même si je n’étais pas très grand (1.76m), j’avais une bonne détente. J’étais aussi offensif. D’ailleurs, dans ma carrière, j’ai marqué 56 buts en jouant arrière latéral… Bon, c’est vrai que je tirais les penaltys partout où je suis passé. Arrivé à Nice, je n’avais jamais manqué un penalty et le premier que j’ai tiré, je l’ai manqué… C’était contre Grasse en coupe de France. On a perdu et après ça, je n’ai jamais plus voulu en tirer! Pourtant, à l’entraînement, je faisais des séances avec Amitrano où je faisais du 10/10, mais ce jour-là…

On dit que vous étiez aussi le relais entre les joueurs et l’entraîneur…

Oui. Il arrivait même à Jean Sérafin de me demander ce que je pensais de l’équipe, mais ce n’était pas facile pour moi de donner mon avis sur tel ou tel joueur. Le vendredi, lorsque je sortais de son bureau et qu’il allait ensuite annoncer les titulaires du lendemain, c’était un peu difficile pour moi vis-à-vis des autres joueurs, notamment ceux qui ne jouaient pas… Après, je ne donnais que mon avis. C’est lui qui décidait !

Quel genre d’entraîneur était Jean Sérafin ?

C’était un bon entraîneur. Il était perfectionniste, toujours présent, disponible et il aimait son métier. Il fait partie des entraîneurs que j’ai appréciés. Il était sérieux, même si à Nice, tout n’a pas toujours été facile pour lui. De toutes manières, ce n’est jamais évident d’être entraîneur… Avec les 13 joueurs qui sont sur la feuille de match, ça va, mais avec les 7 ou 8 qui restent de côté, c’est plus difficile !

Vous avez aussi découvert l’ambiance du stade du Ray. Quel souvenir vous en gardez ?

Au début, ça a été très difficile… À vrai dire, le public était très difficile et on s’en prenait plein la tête, et moi en particulier ! En fait, le problème est que j’avais attrapé un coup de froid. Je toussais énormément et j’avais même du mal à respirer. J’ai d’abord pris des cachets, puis j’ai passé une radio qui a décelé un début de pleurésie à un poumon. J’ai tout de même joué les deux premiers matchs, mais lorsque je montais, j’avais du mal à revenir. Et là, je me rappellerai toujours de certains spectateurs dans les tribunes qui m’appelaient le « silicosé ». C’était terrible d’entendre ça… Au bout d’un mois, j’ai retrouvé la forme et je n’étais plus le « silicosé ». Au contraire, je pense que j’étais apprécié pour mon tempérament et mon courage. On disait toujours de moi que j’étais un capitaine courageux. Mais c’est vrai que les six premiers mois ont été difficile….

Finalement, cette saison sera celle de la déception… Vous terminez 3ème derrière Reims et Toulon. Quel est votre sentiment à la fin de cette saison ?

Je pense qu’on a fait une bonne partie de saison et sur la deuxième partie, on n’a pas su faire la différence sur certains matchs… On a eu aussi des suspendus et des blessures aux mauvais moments.

Déception en coupe de France aussi avec une élimination à Grasse… que vous avez déjà évoqué.

Oui, je m’en souviens très bien. Si je marque le pénalty, ça aurait fait 1-0 et le match aurait pu tourner différemment. Mais ce jour-là, on a été catastrophiques…

La saison suivante 1983/1984 est plus chaotique, mais la fin de saison est très bonne, à tel point que vous arrivez à décrocher une place de barragistes. Le 1er barrage se joue au Ray face au Havre où vous marquez le but de la victoire niçoise (4-3). Puis arrive ensuite l’un des plus grands cauchemars de l’Histoire du Gym… La rencontre contre le Matra Racing. À la fin du match, vous êtes vous-même très en colère après l’arbitre… Aujourd’hui, que vous reste-t-il de cette défaite 5-1 le 10/05/1984 à Colombes ?

C’était catastrophique pour nous… Lors du premier match retour à Paris, on mène 1-0 et la partie est arrêtée à cause du mauvais temps. Sans ça, on se serait qualifiés. Lors du deuxième match, je pense qu’on peut dire qu’on s’est fait volés, il n’y a pas d’autres mots… Sur le premier but du Matra, le joueur déborde, la balle sort de presque un mètre et il centre. Nous, on s’arrête de jouer, mais eux continuent et ils marquent… Et l’arbitre accorde le but ! On était très énervés à la fin du match, mais il n’y avait plus rien à faire… Ce jour-là, on a pris un gros coup derrière la tête. En plus, toute ma famille était venue du nord pour voir ce match… C’était très triste… Mais bon, on ne peut pas revenir en arrière… À l’époque, on savait que Paris était avantagé, mais là, c’était gros…

Michel Joly, Bruno Metsu et Carlos Curbello.

On arrive à la saison 1984/1985. Votre contrat de joueur s’arrête, mais vous décidez de continuer…

Oui, ça devait être ma dernière saison en tant que joueur, mais tout le monde a été d’accord pour que je continue. Je ne demandais pas mieux parce que j’avais encore très envie de jouer. J’ai donc continué une troisième saison, celle de la montée !

Tout au long de la saison, l’équipe est régulière et est à la lutte avec Saint Etienne. La montée se jouera lors du dernier match, à Grenoble… Dans quel état d’esprit vous étiez-vous avant ce match ?

On était confiants, mais on savait qu’il ne fallait pas perdre car l’écart avec Saint-Etienne était faible. En plus, on rencontrait une équipe de Grenoble avec de bons joueurs. On mène 3-0 et ils reviennent à 3-2 sur la fin…

Etiez-vous inquiet à ce moment-là ?

Oui, j’avoue qu’on a eu peur parce qu’on menait 3-0, on a eu encore des occasions de marquer qu’on a manquées et ils reviennent à 3-1 puis à 3-2. On a vécu une fin de match difficile, à l’image de la saison d’ailleurs, qui a été aussi difficile.

Le match se termine. Vous souvenez-vous ce que vous avez ressenti au coup de sifflet final ?

À titre personnel, c’était dur parce que je savais que ma carrière s’arrêtait là… J’avais 36 ans, j’aurais bien aimé jouer encore une année, mais les dirigeants ont préféré que j’intègre le staff technique. Ça a été très difficile à vivre… S’arrêter comme ça, du jour au lendemain, tout s’arrête… J’ai eu la chance de jouer jusqu’à 36 ans, en participant chaque saison tous les matchs. J’étais content de ma carrière, mais j’aurais tant aimé continuer et jouer quelques matchs avec Nice en première division…

Le lendemain, Nice était en fête…

Oui et c’était extraordinaire à vivre ! On a parcouru le chemin entre la promenade des Anglais sur un char, entourés de milliers de supporters… J’en garde un très grand souvenir !

La saison suivante, vous avez donc intégré le staff technique ?

Oui, je faisais partie du staff technique et je m’occupais de l’équipe de Division d’Honneur. Je travaillais avec Pierre Alonzo qui était responsable du centre de formation. C’était un très bon entraîneur avec lequel j’ai appris beaucoup de choses dans le domaine de la formation des jeunes. Je participais aussi aux réunions au cours desquelles on décidait des jeunes qu’on garderait ou pas. Un moment m’a marqué : alors qu’on évoque le cas d’un junior, un éducateur du club s’est exprimé pour dire qu’il ne souhaitait pas le garder car il le trouvait trop mou et manquant de motivation… Le club ne l’a pas gardé, mais ce junior, c’était David Ginola !

Vous participiez aussi aux recrutements ?

Oui, notamment lorsque je passais mon deuxième degré d’entraîneur. J’aillais voir des matchs pour repérer des joueurs. Je me souviens d’une anecdote… Un jour, j’assiste à une rencontre entre Le Puy et Vichy, équipe dans laquelle joue un avant-centre que je trouve très bon… J’en parle au président et à Jean Sérafin en leur disant que ce joueur appartient à Valenciennes, mais qu’il y a sûrement moyen de l’avoir à un bon prix. Malheureusement, Nice ne tentera pas le coup et on passera à côté de… Jean-Pierre Papin !

Combien de temps êtes-vous restez-vous dans le staff ?

Deux ans. Ensuite, j’ai dû quitter Nice et rejoindre le nord pour des raisons familiales. J’avais resigné un contrat que j’ai donc résilié. Le président Innocentini voulait à tout prix que je reste. Il faisait en sorte de m’envoyer en Belgique pour superviser des joueurs et que je sois proche du nord et de ma famille. Mais j’ai dû partir. Pour mon départ, il voulait me faire un cadeau. Il m’a donné un chèque en blanc pour aller m’offrir une montre dans une bijouterie ! Une montre que j’ai toujours d’ailleurs… C’était vraiment quelqu’un de bien et que j’ai beaucoup apprécié.

Dans le nord, êtes-vous resté dans le football ?

Oui, je me suis occupé d’une équipe à Douai, en CFA2, et j’étais en même temps moniteur de sport à la ville. Puis je suis parti à Béthune où on est monté de PH à CFA2. À 42 ans, je jouais au poste de libéro en CFA2 ! Au bout d’un moment, j’en ai eu un peu marre de la mentalité dans le foot, alors j’ai pris une brasserie avec mon épouse. Puis on l’a vendue pour en reprendre une autre… Et on a fait ça pendant plusieurs années. On en a eu successivement 5 au total. J’ai pris ma retraite il y a 3 ans à peine, à l’âge de 69 ans. Aujourd’hui, je donne un coup de main à l’un de mes fils qui a d’ailleurs été formé à Nice avant de partir jouer en Belgique et en Ecosse. Il a ensuite repris une brasserie, mais il n’a pu rester ouvert que trois mois à cause du Covid…

Michel Joly ogc NiceAvez-vous gardé des contacts avec les anciens Niçois ?

À part Patrick Bruzzichessi et Jean Sérafin que j’ai au téléphone de temps en temps, je n’ai plus de contacts. Y compris avec les « nordistes » Pascal Françoise et Dominique Lefebvre…

Continuez-vous à suivre les résultats du Gym ?

Bien sûr ! C’est un bon club où j’ai été bien accepté et où j’ai passé de bons moments. Je le suis donc particulièrement. Je ne connais pas encore le nouveau centre d’entraînement ni le nouveau stade, mais j’aimerais vraiment pouvoir revenir un jour pour les visiter et revoir les anciens comme Bruzzichessi, Amitrano, Blanc… C’était de bons joueurs, mais aussi de bons gars.

Propos recueillis par Serge Gloumeaud.

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